L’ILE AUX IMMORTELS : ou comment écrire un roman
chinois quand on n’est jamais allé en Chine et qu’on ne connaît pas un
mot de la langue qu’on y parle ?
Je ne posais pas encore cette question quand, élève
de Terminale, mon professeur d’histoire me demanda de faire un exposé
sur la Chine. Arrivé à la littérature, je lus quelques paragraphes consacrés
à « L’histoire des trois royaumes », au « Rêve dans le pavillon rouge
» et surtout aux « Les bords de l’eau ». Mais je renonçai à voir Son Jiang
et ses cent huit brigands affronter les troupes impériales dans les marais
du mont Liang. Je mis donc mon mouchoir là-dessus et oubliai tout.
Jusqu’au jour où… Un article du Monde des Livres,
relata la parution en Pléiade de la traduction des « Bords de l’eau. »
La pompe était amorcée. Si bien qu’au bout de quelques années, la Chine
occupait cinq mètres de rayonnage dans ma bibliothèque. A Paris, je devins
un client assidu de la librairie Phénix, et j’aurais pu atteindre les
yeux fermés le secteur « extrême orient » à la Fnac de la rue de Rennes.
On ne saurait trop louer les traducteurs ( n’est-ce pas, Flo et Jean-Daniel
?) qui, ces années-là mirent à notre disposition, non seulement la littérature,
mais l’histoire et la civilisation chinoises. Et un jour, de ces lectures
accumulées naquirent les personnages de « L’île aux immortels ».
Tchéou-Tsin, Zhang le troisième et tous ceux rencontrés
sur les chemins poussiéreux du Shandong. Mais aussi la poétesse Li Qinzhao
et Hui Tsong, l’Empereur, qui ont réellement vécu au 12° siècle. J’allai
chercher mes fantômes dans les films de Mizoguchi et des magistrats chez
Van Gulik. Je n’ai donc pas eu besoin de me documenter. Ce qui vous épargnera
les digressions sur la culture chinoise qui empâtent souvent les romans
« exotiques » écrits par des occidentaux. (Je ne citerai personne).
J’ai écrit « L’île aux immortels » comme un auteur
chinois, en privilégiant l’action, au détriment de la couleur locale
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